Une brindille craqua dans le silence nocturne. La silhouette encapuchonnée qui avançait sous le ciel sombre avait pénétré la Forêt Interdite depuis à peine quelques minutes que déjà elle allait se faire repérer. Par qui ? Mais par rien de bien méchant voyons. Des créatures malfaisantes qui n'avaient rien à faire à l'orée de la forêt, mais qui s'y trouvaient encore. Ce genre-là, quoi. Oh, remarquez, il n'y avait pas vraiment de quoi avoir peur. Non, elle préférait juste ne pas tomber sur le Garde-Chasse, parce que lui pourrait ne pas apprécier qu'elle se balade avec des créatures malfaisantes et qu'elle les stocke dans sa chambre… Mais vu que personne n'était au courant de ça, elle n'avait aucune raison d'avoir des problèmes, hein ? Passons. La silhouette mystérieuse portait donc une cape à capuche qui lui recouvrait une chevelure d'un châtain oscillant entre le sombre et le clair selon la lumière et un charmant minois. De sa main droite, elle portait une cage recouverte d'un tissu noir d'où s'échappaient des grognements sauvages mais étouffés. Sa main gauche tenait sa baguette dont l'extrémité éclairait dans un rayon de deux mètres alentour. Une sacoche en toile cognait contre sa hanche gauche à mesure qu'elle avançait, ballottée par le rythme de sa marche. Ce qu'il y avait dans la sacoche ? Des éléments végétaux séchés, un bout de saucisson -chapardé aux cuisines- deux flasques et une boîte fermée hermétiquement. Et la silhouette avançait encore de plus en plus profondément à l'intérieur même de cette superbe forêt interdite d'accès aux élèves. Arrivée dans une clairière -chose assez improbable mais très utile lorsqu'il s'agissait de reposer les bestioles sans risquer d'être surprise par un arbre qui tombe- la silhouette laissa tomber la cage par terre, enleva sa sacoche de son épaule et la posa délicatement dans l'herbe avant d'ôter enfin sa capuche et et laisser respirer ses longs cheveux qui lui tenaient chaud. Elle s'étira, son bras droit lui faisait mal. Puis elle regarda alentour, soupira, et souleva le tissu qui couvrait la cage. Et une patte velue d'un joli pelage violet-mauve manqua de lui arracher les doigts.

« COUCHÉ BRUTUS ! »

Oui, elle avait hurlé. Mais que voulez-vous, il n'y avait sans doute personne dans le coin, et les bestioles commençaient à la connaître un peu. À la craindre aussi… Donc à la respecter. C'était bien les seuls. Elle s'accroupit près de la cage, le regard bleu foncé fixant un truc poilu qui semblait s'être aplati sur le fond. Et puis elle ouvrit la cage, la souleva, et la secoua d'un grand coup. L'animal fut éjecté… Et déguerpit sans demander son reste. La cage retomba au sol et Demetria -car c'était elle- s'assit dessus. Bon, ça c'était fait. Il lui restait quoi à faire ? Murmurant un "nox", elle se servit de sa baguette pour faire tenir un grossier chignon. Et puis elle regarda autour d'elle. Toujours rien. C'était bizarre, d'habitude, il y avait toujours des petites bébêtes pour venir regarder ce qu'elle pouvait faire. Là, non. Comme si la forêt avait compris que quelque chose n'était pas normal… Ou qu'il y avait une présence pas souhaitable.
Fatiguée et ayant une énorme flemme de se lever, elle fit léviter sa sacoche d'un signe de la main et la rapprocha d'elle -toujours assise sur la résistante cage. Puis elle fouilla dans la sacoche et en sortit la boîte en bois hermétique. Hésitant un instant sur le fait de l'ouvrir ou pas, elle finit par défaire les fermoirs et ouvrit la boîte. Une odeur putride vint lui chatouiller les narines et un juron bien senti s'échappa d'entre ses lèvres pincées. Super, en plus il avait eu le temps d'empuantir tout l'espace. Ce fut donc d'une main experte et vive qu'elle saisit l'étrange créature par ce qu'on aurait pu appeler sa patte et qu'elle l'extirpa de la boîte en bois. L'animal était une créature d'une couleur incertaine, munie de plusieurs pattes grêles et de très nombreux yeux. Un bandimon. Un super truc pour vous nettoyer la maison, mais ça pullulait. Demetria l'avait coincé par un coup de pot, d'habitude ça s'attrapait pas facilement. Et elle avait passé une heure à le récupérer, à lui courir après dans sa chambre. Mais elle avait réussi. Le bandimon n'était pas content d'avoir été enfermé dans une boîte en bois propre et il commença à humer l'air à la recherche de poussière… Demetria l'envoya rebondir plusieurs mètres plus loin et se retrouve alors seule pour de bon. Sa tâche du soir avait été accomplie, maintenant, elle voulait choper une créature sympathique à montrer à ses élèves le lendemain.
Le problème, c'est que le Grapcorne ne se baladait pas dans les régions forestières, mais dans les régions de montagne, alors elle pouvait se brosser pour en choper un… Alors elle réfléchissait à ce qu'elle avait pu croiser ou entendre ces derniers temps. Et en attendant, elle ne bougeait pas. Une cible facile pour un animal dangereux me dites-vous ? S'il vous plaît, elle avait quand même des ressources… Sans cela elle n'aurait pas lâché sa baguette une seule seconde…

Par contre, elle avait l'impression d'être observée… Était-ce une simple impression, ou bien une intuition juste ? Elle n'en savait rien, mais ne tarderait pas à le savoir… Et en attendant, elle voulait attirer un oiseau nocturne, ou une bestiole intéressante. Alors elle fouilla sa sacoche et en sortit une flûte à bec, très fine, dans laquelle elle commença à souffler sans qu'aucun son n'en sorte… Enfin, en apparence. Les ultrasons, ça marchait sur les créatures magiques, vous saviez ça ?