Tout le monde naît un jour. Simple respect du cycle de la vie originel. On apparaît là où d'autre disparaissent, emportés par une mort, se languissant de les avoir près d'elle. Et ce soir, la première inspiration brulante d'une enfant emplit la salle alors que l'ultime expiration d'une existence interminable s'éteint derrière la cloison simple du mur. La vie. La mort. Visions antagonistes d'un univers trop incertain et périssable. Comprendre les fondements du monde. Comprendre les piliers qui le constituent est là l'orgueilleuse qualité dont se vantent quelques personne. A l'origine se trouverait un être unique, fondateur d'un Tout. Il s'appellerait Dieu. Ou bien Allah. Pour d'autres ils seraient plusieurs, à l'image des dieux olympiens et égyptiens. A l'inverse, on affirme que la terre est une planète, tournant autour d'une étoile flamboyante. Dans ce cas-là, tout serait physique, les éléments chimique se seraient trouvés, assemblés, les mutations augmentées jusqu'à en arriver à ce que nous connaissons. Comment être sur de ces théories ? Tout ceci n'est-il pas qu'une bonne conscience que se donnent les Hommes pour justifier leur pitoyable existence ? Bien entendu. Car telle était la justification de leur destinée et de chacun de leur geste. Toute erreur était provoqué par le Supérieur pour nous apprendre, ou bien nous punir. Dans le seul but d'attendre la mystification de l'après-mort. Pour les autres, ces scientifiques où le pragmatisme avait absorber toute trace d'humanité, ils n'étaient composées que d'organes, de cellules, de molécules justifiant le moindre de leur agissant, car il ne pouvait en être autrement. Pour eux tous, les limites étaient inconsciemment fixées. La croyance n'est qu'un mur que l'on veut infranchissable, nous imposant frontières autour de nous, de nos capacités. Ne croyez plus. Soyez libre. Et alors elles tomberont... Ce soir, les anges miniatures tournaient au-dessus du berceau du bébé qui fixait sur eux ses deux grands yeux encore d'un éclatant bleu. De ses petites mains potelées, il tentait vainement d'attraper les ailes synthétiques des archanges, par de malheureux mouvements de bras maladroits. Rare sont les personnes qui ont l'idée de se demander quelles sont les pensées de ce petit visage rond à cet instant. L'enfant lui-même sûrement l'ignore. Mais s'il avait la figurine dans les mains, sans aucun doute voudrait-il le manger, le secouer, où lui arracher les ailes. Car inconsciemment, bien au fond de lui, se cache la certitude du mensonge de cette religion. Les anges n'existent pas, tout comme le paradis ou bien l'enfer. Seul réside après la mort le vide et l'oubli.
Le vent soufflait. Le soleil brillait haut dans le ciel et les oiseaux émettaient les premiers chants du printemps, égayant les alentours d'une saison renaissante. Tout respirait le bien-être et un bonheur qu'il était dur de ne pas ressentir tellement sa présence était évidente. Le monde était heureux et se ressourçait après un hiver où le gel avait fragilisé les fondements terriens. Dans le jardin, le gros labrador des Svenson courrait après des insectes de toutes formes, plus ou moins colorés. Pourtant la pluie battante tombait devant le regard vide de la fillette, oscillant avec le beau temps réel. La porte en bois du jardin était ouverte, et les éclairs illuminaient la scène. Les flash de la vision s'interposait parmi des moments de réalité, le soleil oscillant avec la pluie, l'orage avec la bleutée d'un ciel dans nuages. Une femme vêtue d'une large cape noire et de longs cheveux d'un blond éclatant remplaçait le poil mordoré du canidé familial. Franchissant le portillon, elle se retourna alors, posant des yeux noirs mélancoliques sur la maison. Avant de disparaître. « Heaven ? Ma puce tout va bien ? » Sortant de sa torpeur fantomatique, Heaven tourna son regard grisé vers son père, agenouillé près d'elle. Ses yeux possédaient cette profondeur effrayante, telle une lumière capable d'éclairer les recoins les plus cachés de votre existence. Cela faisait maintenant six ans que l'enfant était entré dans la vie de Conrad et Julia. Pourtant, le jeune père n'était jamais parvenu à réprimer ce frisson qui lui parcourait l'échine à chaque fois que sa fille posait ces iris spectrales sur lui. De même qu'il se refusait à accueillir la peur qu'elle lui inspirait. Elle était spéciale. Il le savait depuis toujours, mais jamais il n'aurait pu sentir à quel point. « Elle est partie... » Conrad fronça ses sourcils sombre et se voulu rassurant en prenant cette vois suave et mielleuse dont il avait le secret. « Qui est partie ma chérie ? » Heaven sembla hésité. Puis alors que les larmes sillonnaient la douceur de ses joues comme toujours après chaque visions, elle parvint à répondre. « Maman. Elle est partie... » La concernée qui s'était tenu à l'écart de la scène jusqu'alors, apparut au coin du salon, ses longs cheveux relevés dans un beau chignon qui soulignait sa beauté naturelle. Elle prit dans ses bras et l'emmena avec douceur dans sa chambre, alors que la petit posait sa tête avec tristesse sur l'épaule maternelle. « Tu ne devrais pas effrayé ton père avec ces histoires Heaven, il en serait plus peiné qu'autre chose. Et ce n'est pas ce que tu veux n'est-ce pas ? » Julia avait parlé en posant l'enfant dans son lit. S'asseyant sur le bord, elle caressa la chevelure ondulé de son unique enfant. Elle avait dans la voix ce ton qui ne laissait pas la possibilité de répliquer. Cette douce autorité qui terrifiait parfois la petite. Elles possédaient une ressemblance si frappante qu'on ne pouvait douter qu'elle ne fut pas sa fille. Elle était un repère pour elle, ce drapeau blanc au centre de sa guerre intérieure. « Mais je t'ai vu... » Julia l'interrompit. « Tu as trop d'imagination Heaven, combien de fois faut-il que je te le dise. Tu vois bien que je suis toujours là n'est-ce pas ? » Heaven hocha la tête. « Bien. Dors maintenant. » Déposant un baiser sur le front de sa descendance, la mystérieuse mère esquissa un sourire chaleureux qui s'effaça avec froideur alors qu'elle quittait la pièce, fermant la porte derrière elle. L'histoire était entrain de se répéter. Et tout n'était plus qu'une question de temps...
Le cris perça alors la nuit, terrifiant, résonnant entre les briques de la maison. Assise sur son lit, Heaven tentait de calmer sa respiration et les battements de son cœur qui cognaient avec violence contre sa poitrine. Ses cheveux humides de transpiration collaient ses maigres épaules. Les perles grises de ses yeux étaient grandes ouvertes, fixant le mur de sa chambre, tentant vainement de chasser l'image précédemment créé par son subconscient. Ses parents n'étaient pas là ce soir, ayant prévu de rentrer dans la nuit et l'horloge murale affichait déjà trois heures moins le quart. Patiemment, Heaven attendit que la crise passa, ne laissant des pleurs que quelques hoquets incontrôlables. Ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait et il devait bien s'être écoulé cinq ans depuis le début de ses cauchemars chroniques. Bien que la majorité du temps elle les ait oubliés au réveil, ne persistant d'eux qu'une désagréable sensation. Ces derniers mois, ils se faisaient pourtant de plus en plus violents, refusant de laisser en paix l'esprit et le corps frêle de la fille aux cheveux maintenant châtains, âgée aujourd'hui de treize années. Se levant, elle posa ses pieds nus sur le parquet de sa chambre. Descendant l'escalier, elle laissa les vieilles marches craquer sous son poids pourtant presque trop léger. Le rez-de-chaussé de la demeure était tout aussi calme que l'étage, si on excluait le labrador qui s'approcha timidement de sa jeune maitresse, glissant sa grosse tête sur le frêle bras de Heaven. Ouvrant l'immense baie vitrée, la jeune fille ne prit même pas le temps de s'asseoir. Marchant jusqu'au milieu du jardin, elle s'arrêta là , remuant son esprit, bousculant son âme, afin de comprendre ce qu'on lui voulait. Qu'avait-elle de si spéciale pour qu'on la fasse souffrir ainsi ? Qui était-elle pour attiser à ce point les désires lucifériens ? La jeune Svenson n'était pas idiote. Pas suffisamment pour croire comme ses parents que ses cauchemars étaient normaux. Rien n'était normal. Elle n'était pas normal. Décalage trop important entre les autres et elle. Différence qu'elle ressentait de l'intérieur. Froide souffrance d'un avenir qu'elle pressentait si dédaigneux. Mais un jour. Un jour, elle découvrira qu'elle n'est que la messagère d'un diable aux idées tragiques... Lorsque ses parents rentrèrent, il la trouvèrent allongée dans l'herbe de la nuit chaude, près de l'épaisse fourrure beige de l'animal. Si pour certains le sommeil était la représentation d'une fuite vers un autre monde sécurisant, il n'était pour Heaven que l'annonciation de douloureuse images. |